The Impossible

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The impossible is taken from A Season in Hell, a poem in prose written and published in 1873 by French writer Arthur Rimbaud (1854-1891). It is the only work that was published by Rimbaud himself. The book had a considerable influence on later artists and poets, including the Surrealists.

Ernest Pignon-Ernest, "Rimbaud", Collage, 1978

Ernest Pignon-Ernest, “Rimbaud”, Collage, 1978

~ § ~

L’IMPOSSIBLE

Ah! cette vie de mon enfance, la grande route par tous les temps, sobre surnaturellement, plus désintéressé que le meilleur des mendiants, fier de n’avoir ni pays, ni amis, quelle sottise c’était. – Et je m’en aperçois seulement!

– J’ai eu raison de mépriser ces bonshommes qui ne perdraient pas l’occasion d’une caresse, parasites de la propreté et de la santé de nos femmes, aujourd’hui qu’elles sont si peu d’accord avec nous.

J’ai eu raison dans tous mes dédains: puisque je m’évade!

Je m’évade!

Je m’explique.

Hier encore, je soupirais: “Ciel! sommes-nous assez de damnés ici-bas! Moi j’ai tant de temps déjà dans leur troupe! Je les connais tous. Nous nous reconnaissons toujours; nous nous dégoûtons. La charité nous est inconnue. Mais nous sommes polis; nos relations avec le monde sont très-convenables.” Est-ce étonnant? Le monde! les marchands, les naïfs! – Nous ne sommes pas déshonorés. – Mais les élus, comment nous recevraient-ils? Or il y a des gens hargneux et joyeux, de faux élus, puisqu’il nous faut de l’audace ou de l’humilité pour les aborder. Ce sont les seuls élus. Ce ne sont pas des bénisseurs!

M’étant retrouvé deux sous de raison – ça passe vite! – je vois que mes malaises viennent de ne m’être pas figuré que nous sommes à l’Occident. Les marais occidentaux! Non que je croie la lumière altérée, la forme exténuée, le mouvement égaré… Bon! voici que mon esprit veut absolument se charger de tous les développements cruels qu’a subis l’esprit depuis la fin de l’Orient… Il en veut, mon esprit!

… Mes deux sous de raison sont finis! – L’esprit est autorité, il veut que je sois en Occident. Il faudrait le faire taire pour conclure comme je voulais.

J’envoyais au diable les palmes des martyrs, les rayons de l’art, l’orgueil des inventeurs, l’ardeur des pillards; je retournais à l’Orient et à la sagesse première et éternelle. -Il paraît que c’est un rêve de paresse grossière!

Pourtant, je ne songeais guère au plaisir d’échapper aux souffrances modernes. Je n’avais pas en vue la sagesse bâtarde du Coran. -Mais n’y a-t-il pas un supplice réel en ce que, depuis cette déclaration de la science, le christianisme, l’homme se joue, se prouve les évidences, se gonfle du plaisir de répéter ces preuves, et ne vit que comme cela! Torture subtile, niaise; source de mes divagations spirituelles. La nature pourrait s’ennuyer, peut-être! M. Prudhomme est né avec le Christ.

N’est-ce pas parce que nous cultivons la brume! Nous mangeons la fièvre avec nos légumes aqueux. Et l’ivrognerie! et le tabac! et l’ignorance! et les dévouements! – Tout cela est-il assez loin de la pensée de la sagesse de l’Orient, la patrie primitive? Pourquoi un monde moderne, si de pareils poisons s’inventent!

Les gens d’église diront: C’est compris. Mais vous voulez parler de l’Eden. Rien pour vous dans l’histoire des peuples orientaux. – C’est vrai; c’est à l’Eden que je songeais! Qu’est-ce que c’est pour mon rêve, cette pureté des races antiques!

Les philosophes: Le monde n’a pas d’âge. L’humanité se déplace, simplement. Vous êtes en Occident, mais libre d’habiter dans votre Orient, quelque ancien qu’il vous le faille, – et d’y habiter bien. Ne soyez pas un vaincu. Philosophes, vous êtes de votre Occident.

Mon esprit, prends garde. Pas de partis de salut violents. Exerce-toi! – Ah! la science ne va pas assez vite pour nous!

– Mais je m’aperçois que mon esprit dort.

S’il était bien éveillé toujours à partir de ce moment, nous serions bientôt à la vérité, qui peut-être nous entoure avec ses anges pleurant!… – S’il avait été éveillé jusqu’à ce moment-ci, c’est que je n’aurais pas cédé aux instincts délétères, à une époque immémoriale!… – S’il avait toujours été bien éveillé, je voguerais en pleine sagesse!…

O pureté! Pureté!

C’est cette minute d’éveil qui m’a donné la vision de la pureté! – Par l’esprit on va à Dieu!

Déchirante infortune!

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~ § ~

THE IMPOSSIBILE

Ah! My life as a child, the open road in every weather; I was unnaturally abstinent, more detached than the best of beggars, proud to have no country, no friends, what stupidity that was. – And only now I realize it!

– I was right to distrust old men who never lost a chance for a caress, parasites on the health and cleanliness of our women, today when women are so much a race apart from us.

I was right in everything I distrusted: because I am running away!

I am running away!

I’ll explain.

Even yesterday, I kept sighing: “God! There are enough of us damned down here! I’ve done time enough already in their ranks! I know them all. We always recognize each other; we disgust each other. Charity is unheard of among us. Still, we’re polite; our relations with the world are quite correct.” Is that surprising? The world! Businessmen, and idiots! – there’s no dishonor in being here. – But the company of the elect, how would they receive us? For there are surely people, happy people, the false elect, since we must be bold or humble to aproach them. These are the real elect. No saintly hypocrites, these!

Since I’ve got back two cents’ worth of reason – how quickly it goes! – I can see that my troubles come from not realizing soon enough that this is the Western World. These Western swamps! Not that light has paled, form worn out, or movement been misguided… All right! Now my mind wants absolutely to take on itself all the cruel developments that mind had undergone since the Orient collapsed… My mind demands it!

… And that’s the end of my two cents’ worth of reason! The mind is in control, it insists that I remain in the West. It will have to be silenced if I expect it to end as I always wanted to.

I used to say, to hell with martyrs’ palms, all beacons of art, the inventor’s pride, the plunderer’s frenzy; I expected to return to the Orient and to original, eternal wisdom. But this is evidently a dream of depraved laziness!

And yet I had no intention of trying to escape from modern suffering. I have no high regard for the bastard wisdom of the Koran. – But isn’t there a very real torment in knowing that since the dawn of that scientific discovery, Christianity, Man has been making a fool of himself, proving what is obvious, puffing with pride as he repeats his proofs, and living on that alone! This is a subtle, stupid torment; and this is the source of my spiritual ramblings. Nature may well be bored with it all! Prudhomme was born with Christ.

Isn’t it because we cultivate the fog! We swallow fever with our watery vegetables. And drunkenness! And tobacco! And ignorance! And blind faith! – Isn’t this all a bit far from the thought, the wisdom of the Orient, the original fatherland? Why have a modern world, if such poisons are invented!

Priests and preachers will say: Of course. But you are really referring to Eden. There is nothing for you in the past hsitory of Oriental races…. True enough. It was Eden I meant! How can this purity of ancient races affect my dream?

Philosophers will say: the world has no ages. Humanity moves from place to place, that’s all. You are a Western man, but quite free to live in your Orient, as old a one as you want, – and to live in it as you like. Don’t be a defeatist. Philosophers, you are part and parcel of your Western world!

Careful, mind. Don’t rush madly after salvation. Train yourself! – Ah! Science never goes fast enough for us!

– But I see that my mind is asleep.

If it stays wide awake from this moment on, we would soon reach the truth, which may even now surround us with its weeping angels!… – If it had been wide awake until this moment, I would have never given in to degenerate instincts, long ago!… – If it had always been wide awake, I would be floating in wisdom!…

O Purity! Purity!

In this moment of awakening, I had a vision of purity! Through the mind we go to God!

What a crippling misfortune!

Author: Alessio Sacquegna

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